Les anges et la nouvelle humanité

Un processus de révélation dans l’histoire

 

C’est un postulat théologique : Dieu est toujours le même, il ne change pas, il est immuable dans le temps et dans l’espace. Jacques nous le dit dans son épître : « Il n’y a en lui ni changement ni ombre de variation » (Ja1:17). Mais il est clair que ce Dieu éternel qui ne change pas est, pour autant, dans un processus de révélation progressive de sa personne et de sa gloire. Nous comprenons que ce processus se déroule dans l’histoire, non seulement dans l’histoire des hommes, mais également dans celle du monde céleste. Si la notion du temps chronologique n’est évidemment pas la même dans le monde spirituel que dans le monde naturel, elle existe néanmoins d’une manière certaine dans les deux sphères ; seul Dieu est hors du temps. Pour ne citer que deux exemples du domaine spirituel : il nous est dit dans l’Apocalypse que « le diable sait qu’il a peu de temps » (Ap12:12), et par ailleurs, l’expression : « un temps, des temps et la moitié d’un temps », qui revient deux fois dans le livre de Daniel et une fois également dans celui de l’Apocalypse, et qui nous parle de choses qui doivent arriver dans des temps eschatologiques, fait référence, sans aucun doute, à une notion du temps différente de la nôtre.  

 

C’est pourquoi, pour comprendre l’étendue de ce processus de révélation de la gloire de Dieu, il nous faut remonter plus loin que notre histoire humaine qui commença en Éden. Bien avant, dans la sphère céleste, l’histoire de l’univers avait déjà commencé ; car tout ce que nous voyons ici-bas provient de ce qui est invisible. En effet, le péché originel n’a pas eu lieu dans le jardin d’Éden mais bien avant, dans le ciel, dans la présence même de Dieu. Ce péché a été trouvé en Lucifer, astre brillant, fils de l’aurore, un chérubin protecteur qui contemplait la face de Dieu, chef de l’adoration céleste. L’orgueil et la rébellion ont été trouvés dans son cœur, c’est un mystère ! Mais quelle déflagration ! Quel scandale dans la présence même de Dieu ! Pour les anges, ce fut un jour terrible qui les divisa et les mit en guerre pour une longue période qui dure encore aujourd’hui. Pourtant, Dieu, lui, ne fut pas pris au dépourvu par cet événement. Dans sa souveraineté, il était en train de lancer le grand plan de révélation de la gloire de sa grâce dans la rédemption. Il mettait déjà en œuvre le principe rédempteur énoncé en Romains8: « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein » (Ro8:28). Car dans sa sagesse insondable, Dieu avait prévu d’utiliser le mal pour révéler plus encore le bien.  

Mais une chose est claire : il n’y a pas de rédemption possible pour le diable et pour les anges déchus qui l’ont suivi dans sa rébellion. Pas de pardon, pas de grâce, pas de réconciliation possible. Dès que le péché a été consommé dans la présence du Dieu trois fois saint, le jugement a été automatiquement prononcé et il s’accomplira de manière certaine et inéluctable. Jésus lui-même le déclare : « le feu éternel a été préparé pour le diable et pour ses anges » (Mt25:41). Il y a donc une dimension essentielle de la nature de Dieu et de son caractère que les anges dans le ciel ne connaissent pas car ils ne l’expérimentent pas: celle de sa grâce, de sa miséricorde, de son pardon. Les anges adorent Dieu essentiellement pour sa sainteté, car c’est ce qu’ils connaissent de lui, mais il leur manque tout un pan de révélation et donc également d’adoration. Car ce principe donné par Jésus demeure : « Nous adorons ce que nous connaissons » (Jn4:22). Il y a ainsi quelque chose de très important qui manque dans le ciel et qui ne pourra venir que de ceux qui ont expérimenté la rédemption : c’est la révélation de la gloire de la grâce de Dieu et l’adoration qui en découle.

Les anges découvrent la grâce de Dieu parmi les hommes

 

Cette révélation ne pourra venir que de la terre, du peuple des rachetés du Très Haut. Car elle est le privilège incroyable des hommes, elle est leur part, leur héritage, leur contribution à l’adoration céleste de la plénitude de qui est Dieu de toute éternité ! Et cette grâce n’est pas un pis-aller, un plan B, une solution de secours que Dieu aurait inventée pour nous sortir du péché. Non ! La grâce est au cœur de son cœur, la révélation de son grand amour extraordinaire qui a toujours été en lui sans ombre de variation. Dieu le Père a utilisé le déroulement de l’histoire pour progressivement révéler cet amour insondable et il ne l’a pleinement manifesté que par la venue de l’Agneau immolé, celui qu’il avait « prédestiné dès avant la fondation du monde et manifesté à la fin des temps à cause de nous » (1 Pi1:20) : Jésus, son Fils bien-aimé. Déjà Moïse, au moment de l’inauguration de la première alliance, a le privilège de toucher du doigt cette révélation. Lorsqu’il monte sur la montagne après avoir fait cette prière : « Fais-moi voir ta gloire ! », Dieu va lui révéler son Nom en faisant passer devant lui toute sa bonté ! « L’Éternel passa devant lui, et s’écria : Yahwé, Yahwé, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité… » (Ex34:6). 

Dieu avait commencé à lui révéler son Nom au buisson ardent : Yahwé. Mais là, il énumère une suite de qualificatifs qui enrichissent la signification de ce Nom. Ils décrivent la dimension de la gloire de Dieu que Moïse ne connaissait pas, celle de sa grâce et de sa bonté.

C’est pourquoi la Bible nous dit que les anges nous regardent, car ils contemplent la gloire de Dieu dans l’évangile et dans l’Église, pour y découvrir des choses extraordinaires ! Ils plongent leur regard dans les mystères éternels que Dieu a révélés dans ces derniers temps aux apôtres et aux prophètes de Christ. Comme le dit l’apôtre Pierre : « Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut l’objet de leurs recherches et de leurs investigations, voulant sonder l’époque et les circonstances marquées par l’Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d’avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l’Évangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel, et dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards. » (1 Pi1:10). Ce passage un peu long est essentiel pour notre propos. S’il est clair que nous cherchons à contempler le ciel pour adorer Dieu, les anges eux, contemplent la terre pour le faire ! C’est aussi une des explications possibles du verset d’Ésaïe6 si souvent utilisé et certainement énigmatique : « Saint, saint, saint est l’Éternel des armées, la terre entière est remplie de sa gloire ! » On a du mal à comprendre pourquoi les anges s’extasient de la gloire de Dieu sur la terre, le ciel n’est-il pas plus glorieux encore ? Mais si nous comprenons qu’ils y découvrent quelque chose de la gloire profonde de Dieu qu’ils ne connaissent pas, nous comprenons alors pourquoi. La terre, et le processus de la rédemption qui s’y déroule, est un spectacle extraordinaire pour les anges de Dieu et parallèlement un cauchemar terrible pour les anges déchus !  

Examinons ce que dit Paul, lorsqu’il décrit à Timothée le mystère de la piété : « Et, sans contredit, le mystère de la piété est grand : celui qui a été manifesté en chair, justifié par l’Esprit, vu des anges, prêché aux Gentils, cru dans le monde, élevé dans la gloire. » (1Tim3:16) Jésus a été vu des anges ; si cela était simplement anecdotique, Paul ne l’aurait pas mentionné dans ce contexte, mais « être vu des anges » faisait partie du parcours de la rédemption ! C’est comme si au ciel, les anges avaient été convoqués pour regarder le Fils partir en mission vers la terre. C’était un événement attendu là-haut ; tout au ciel était en expectative de ce jour si important ! D’ailleurs, les anges sont bien présents les jours qui précèdent la nuit de la nativité, ils participent activement aux préparatifs. Ils sont envoyés vers Zacharie, Joseph, Marie, et auprès des bergers, c’est même auprès de ces derniers qu’apparaît une multitude de l’armée céleste louant Dieu! (Luc1:13). 

Le mystère de l’incarnation est certainement encore plus incroyable pour le monde spirituel que pour nous. Imaginez ce qu’ont dû ressentir les anges lorsqu’ils ont vu le Fils de Dieu dans le corps d’un homme semblable à nous ! Emmanuel est un mystère pour eux au moins autant que pour nous !  

Jusqu’à la croix, les anges accompagnent le Seigneur et le soutiennent dans sa mission. Sur la croix, nous n’avons aucune indication de leur présence, nous savons juste qu’il va traverser seul cette étape ultime. Mais dès la résurrection, les anges sont là pour l’annoncer aux disciples. Ils n’ont loupé aucun épisode, tout les intéresse car ils attendent avec impatience les conséquences de cette œuvre triomphale. Ils savent que cela annonce une gloire encore plus grande dans le ciel et pour l’éternité ! Les anges déchus, en revanche, n’avaient pas la capacité de comprendre pleinement ce qui arrivait ; Paul nous dit même que s’ils avaient compris cette sagesse, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire (1Co2:8). Mais en participant à ce sacrifice ultime sans rien faire pour l’empêcher, bien au contraire, c’est à leur propre défaite qu’ils participaient sans s’en rendre compte.

 

Les anges contemplent la sagesse de Dieu dans l’Église 

 

Imaginons maintenant la réaction des anges de Dieu lorsqu’ils ont observé la première nouvelle naissance. Qu’un pécheur puisse être pardonné, les anges en avaient l’habitude, car déjà dans l’ancienne alliance cela arrivait régulièrement. Mais quelle stupeur dans le ciel lorsque, pour la première fois, un pécheur fut non seulement pardonné, mais entièrement purifié, lavé et régénéré par la vie même de l’Esprit Saint pour devenir un véritable temple du Dieu vivant ! Nous avons déjà du mal à le croire mais pour un ange, cela dépasse l’entendement !

 

Le péché au ciel est extrêmement grave et terriblement sale, bien plus que pour les hommes. Et lorsqu’un homme passe des ténèbres à la lumière, les anges célèbrent la gloire et la sagesse de Dieu qui a pu opérer un tel miracle ! Car pour eux, celui qui est né de nouveau est réellement participant de la nature divine. Ce n’est pas de la théologie, ils le voient vraiment participer à la même vie que celui qui est assis à la droite de Dieu dans le ciel. Et pour un ange, voir la vie de Christ être multipliée ainsi est une manifestation extraordinaire de la sagesse de Dieu ! 

C’est justement cette sagesse que les anges découvrent dans l’Église. Paul nous en parle dans l’épître aux Éphésiens : « …afin que les dominations et les autorités dans les lieux célestes connaissent aujourd’hui par l’Église la sagesse infiniment variée de Dieu… » (Éph3:10). Au début de ce chapitre, Paul est en train de révéler le mystère de l’homme nouveau, de la nouvelle humanité. Elle est composée de juifs et de non juifs réunis en Christ pour former un seul Corps, chaque membre uni avec les autres et relié à la tête. C’est une unité parfaite dans une diversité multiple. Une humanité entièrement réconciliée ; toutes les divisions et les inimitiés sont effacées, car la croix a réconcilié non seulement l’homme avec Dieu mais également les hommes entre eux. Dans un autre passage, Paul ajoutera : « Il n’y a ici ni juif, ni grec, ni homme, ni femme, ni esclave, ni libre », mais Christ est tout en tous ! C’est l’exaucement merveilleux de la prière sacerdotale : que tous soient un ! Cette nouvelle humanité est la famille de Dieu le Père, la fratrie de Jésus, les membres du Corps de Christ. Ainsi, les anges découvrent encore sur la terre quelque chose qu’ils ne connaissent pas dans le ciel : la réconciliation. Car les anges de Dieu ne se réconcilieront jamais avec les anges déchus, c’est impossible, inimaginable ! Alors qu’un homme peut se réconcilier en Christ, avec ses pires ennemis! La grâce verticale a permis la grâce horizontale ! Recevoir le pardon de Dieu nous oblige à pardonner ceux qui nous ont offensés ; la réconciliation est la conséquence directe de la grâce, elle est le propre de la nouvelle humanité et là encore une révélation pour le ciel ! 

 

La nouvelle humanité complète la plénitude de la gloire de Dieu 

 

Et pour aller plus loin encore, essayons de comprendre que la nouvelle humanité va compléter la plénitude de Dieu ! Et en disant cela, on parle d’un mystère profond qui nous dépasse totalement, celui de l’union de Christ et son épouse. Paul le dit dans l’épître aux Éphésiens lorsqu’il enseigne en parallèle sur le couple humain et sur la relation entre Christ et l’Église. Ce qui est pour lui un mystère : « Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église. » (Éph5:32). On ne peut pas unir dans le mariage deux êtres de natures différentes, un ange avec un homme, un homme avec un animal, ce sont des abominations, ce qui signifie que si Christ prend l’Église pour épouse, elle est forcément de la même nature que lui ! C’est pourquoi, utiliser le mot Église est un peu difficile dans ce contexte, car aujourd’hui ce mot a été tellement galvaudé et déprécié qu’il ne signifie plus ce qu’il voulait dire au commencement. Ainsi donc, l’expression nouvelle humanité correspond davantage à cette Épouse que Christ est en train de préparer. Ce n’est pas une structure humaine avec toutes ses imperfections, mais c’est un organisme vivant, créé par Dieu lui-même, une humanité de la même nature que lui, celle qui est son Corps, une partie de lui-même, car elle est née de lui.  

Car, de la même manière qu’Ève a été tirée d’Adam pour devenir un être semblable à lui, chair de sa chair et os de ses os, la nouvelle humanité a été tirée de Christ, dans sa mort et sa résurrection, pour pouvoir lui être présentée pure, sainte et irréprochable, participante de sa nature divine. C’est pourquoi, il nous faut rester humbles et patients avant de proclamer des choses qui nous dépassent sur notre destinée éternelle. Nous pouvons néanmoins nous aligner sur ce que dit l’apôtre Jean, ce qui est déjà extraordinaire : « Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jn3:2). Ce verset fait écho à celui de Genèse2 : « L’Éternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui. » (Gen2:18). Être semblable à Christ nous qualifie donc pour être son épouse. Attention, ce n’est pas notre destinée individuelle mais bien notre destinée communautaire et universelle. C’est toute l’Église composée de toutes ses parties, juifs et non juifs, d’aujourd’hui et de tous les siècles, qui deviendra l’épouse de Christ au jour des noces de l’Agneau. À ce moment-là, ce qui sera merveilleux n’est pas tant le fait qu’on fera un grand banquet avec lui, mais c’est que nous serons révélés ensemble, devant tout l’univers, dans notre destinée de gloire, unis à lui et les uns aux autres pour l’éternité !  

En fait, toute l’œuvre de la rédemption a pour finalité la préparation de l’épouse, car c’est elle qui manque au ciel pour que la gloire de Dieu soit entièrement révélée dans toutes ses dimensions ! Comme dit l’apôtre Paul : « Quand Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire. » (Col3:4). Ce sera le temps de la révélation des fils de Dieu ! Il y a trois endroits où est manifestée la plénitude de Dieu : en Christ dans son incarnation (Col2:9), en nous-mêmes lorsque nous connaissons toutes les dimensions de son amour (Éph3:19) et dans l’Église qui est son Corps (Éph1:23). Et quand les trois sont un, Dieu est pleinement révélé, visible et communicable. C’est pourquoi ces trois priorités sont devant nous aujourd’hui : le connaître pour le revêtir, être rempli de lui, de la plénitude du Saint-Esprit et être unis les uns aux autres dans la réconciliation et l’amour. En faisant cela, nous deviendrons de plus en plus la nouvelle humanité, celle qui témoigne sur la terre et dans le ciel et qui se prépare pour les noces de l’Agneau et le règne éternel ! 

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