Père et Fils

Dieu est amour !

Cette affirmation de Jean est bouleversante et nous ne cesserons jamais d’en sonder la profondeur. Dieu est amour, c’est donc son identité. Si l’on considère que l’amour véritable implique obligatoirement une relation – à l’opposé du narcissisme égocentrique – alors Dieu, dans sa perfection, a forcément en lui-même une vie relationnelle intense. Et cette relation est porteuse de la plus grande révélation de ce qu’est l’amour d’un point de vue divin. Le mystère de la trinité nous permet de lever un peu le voile sur la qualité de relation intrinsèque à Dieu lui-même. Il y a un seul Dieu révélé en trois personnes. Elles s’aiment donc d’éternité en éternité dans une communion et une unité parfaite que nous ne pouvons sonder. Dans cette trinité divine il y a, en plus de l’Esprit même de Dieu, un Père et un Fils. Ce qui implique une relation de filiation, l’un étant le prolongement de l’autre, l’objet de son amour et de toute son affection. Mais ce qui est incroyable c’est que Dieu est autant Père que Fils ! C’est-à-dire qu’il n’est pas Dieu sans être les deux, ou plus exactement la relation qu’ils ont ensemble est également une révélation de Dieu.

L'un n'existe pas sans l'autre et vice-versa. Ils sont ensemble ou ils ne sont pas, ils sont donc un.

Si nous avons du mal à comprendre le mystère de l’unité de la trinité, l’incarnation du Fils de Dieu nous a permis d’entrevoir dans notre humanité les caractéristiques de cette relation d’amour. Le Fils éternel devenu homme en Jésus-Christ nous a révélé le Père et a modelé pour nous ce que signifie la relation père / fils qui existe en Dieu. Car la relation que Jésus avait avec le Père est non seulement un modèle pour notre relation avec Dieu, mais également un modèle pour notre relation les uns avec les autres et plus particulièrement entre les pères (ou mères) et les fils (ou filles) que nous sommes. En effet, quand Jésus donne le nouveau commandement de l’amour à ses disciples, il leur précise qu’ils doivent s’aimer les uns les autres comme il les a aimés lui-même. Hors cet amour il le définit clairement en Jean 15:9 « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés, demeurez dans mon amour ». Jésus a donc aimé ses disciples comme il a été lui-même aimé par son Père, c’est la relation standard de l’amour. Ainsi, nous pouvons regarder la relation que Jésus avait avec son Père comme modèle de nos relations de filiation avec les fils et les filles que le Seigneur nous donne. 

La relation père/fils est certainement quelque chose d’essentiel pour comprendre comment la transmission générationnelle doit se faire selon le cœur de Dieu. Mais au-delà de la transmission qui n’est que l’aboutissement d’un processus, cette relation est une clé pour l’église dans sa vie fraternelle et dans son ministère. Car Dieu parle aujourd’hui très fortement de l’intergénérationnel comme d’un style de vie relationnelle incontournable dans l’église. Le Père ne considère pas les générations séparées les unes des autres comme trop souvent le monde moderne nous l’a imposé. Mais, pour Lui, les générations sont imbriquées les unes dans les autres. Elles ne se succèdent pas seulement, mais elles doivent vivre et marcher ensemble, en même temps, avec Lui. Car elles sont interdépendantes et s’enrichissent mutuellement pour révéler au monde la sagesse infiniment variée de Dieu.

La famille de Dieu, le Père est un, elle n’a pas de barrière ni de séparation, elle vit dans l’amour, le respect et l’honneur entre trois et même quatre générationsÉtudions donc la relation que Jésus avait avec son Père et laissons-nous enseigner. (En tant que Père, je mettrais bien-sûr l’accent davantage sur le rôle de paternité que nous sommes appelés à manifester plutôt que sur celui de fils et de filles).

Les engendrer

Jésus lui-même est sorti de Dieu, au moment de l’incarnation il a été engendré. Il est donc le fruit des entrailles du Père, une partie de lui- même. Il est le prolongement du Père, sa Parole, son empreinte et le reflet de sa gloire. Cette filiation est parfaite mais elle peut se retrouver dans une moindre mesure dans nos relations de filiations terrestres. Paul appelle à plusieurs reprises Tite et Timothée, ses enfants « légitimes » dans le Seigneur. C’est-à-dire ceux qu’il reconnaît comme ayant été formés par lui, porteurs de son héritage spirituel. Il dira même de son fils Onésime qu’il a enfanté étant dans les chaînes, qu’il est « le fruit de ses entrailles, une partie de lui-même » (Philémon 1:10-12). Il demandera également à Philémon de le rece- voir comme lui-même (v17) et se dira même prêt à payer ses dettes si besoin (v18). L’engagement de Paul vis-à-vis d’Onésime est total, il le considère comme son représen-tant, son fils engendré. Ces mêmes entrailles de filiation nous pouvons nous aussi les expérimenter, elles naissent souvent dans l’intercession pour nos enfants que nous portons dans la prière devant Dieu et que nous enfantons jusqu’à ce que Christ soit formé en eux.

Les aimer

« Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection ». Quelle déclaration d’amour d’un père pour son fils ! Jésus est le bien-aimé du Père et il déverse en lui toute son affection ! Peut-on imaginer ce que signifie « être rempli de toute l’affection de Dieu le Père ! ». Cet amour est à la fois doux et fort, plein de tendresse et de protection. C’est un amour que nous pouvons recevoir nous aussi directement du Père et que nous pourrons ensuite communiquer à nos enfants. Paul parlait de cet amour qu’il éprouvait pour les Philippiens : « il les chérissait avec la tendresse de Christ » (Php 1:8). Aimer nos enfants c’est leur communiquer concrètement de l’affection par des câlins tendres, c’est leur dire régulièrement : « Je t’aime ». Et même s’il y a beaucoup d’autres ingrédients essentiels à l’amour, celui-ci est fondamental et doit se vivre également dans nos relations de filiations spirituelles. Pierre dira « aimez-vous ardemment les uns les autres de tout votre cœur » ! (1Pie 1:22). Nos fils et nos filles ont spécialement besoin de connaître ce type d’affection et et de tendresse. Ils doivent savoir que nous sommes là pour eux, notre présence chaleureuse et notre disponibilité sont la sécurité qui leur permettra de grandir dans leur vocation.

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Les affermir

Un rôle essentiel de la paternité, c’est d’affermir nos enfants dans leur identité. Pour cela il est important de les connaître, de passer du temps avec eux. Nous ne pouvons pas juste leur transmettre de la connaissance, ni même de l’expérience, comme si elles étaient les mêmes pour tous. Certes, il y a des principes valables pour tous, mais nous devons absolument respecter nos enfants dans leur identité propre avant de vouloir les façonner et les faire entrer maladroitement dans ce que nous aimerions qu’ils deviennent. Ils ne seront jamais semblables à nous dans leur identité, ni dans leur destinée. Ils garderont nos valeurs, retiendront beaucoup de nos conseils et nos instructions, mais ils devront absolument entrer dans la spécificité de leur appel et de leur identité, pour pouvoir vraiment porter du fruit sans rester dans l’ombre de notre ministère. La reproduction à l’identique n’est pas ce que Dieu fait, chaque personne est unique, de part son caractère, ses dons, son parcours et sa destinée. Ainsi, des parents aimants s’appliqueront à discerner cette identité propre et affermiront leurs enfants dans ce qu’ils sont réellement. C’est le propre de la paternité de Dieu, elle affermit qui nous sommes pour mieux nous envoyer et nous accompagner dans notre destinée.

 

Devenir leurs amis

Jésus a dit : « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ; personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils » (Mt 11:27) Il y a dans cette déclaration une réciprocité parfaite, elle nous enseigne sur le type de relation qui glorifie le Seigneur. Nous devons apprendre à connaître ceux que nous élevons dans la foi mais également apprendre à nous laisser connaître par eux. C’est un processus de confiance réciproque. Même si bien sûr nous ne pouvons pas tout dire à n’importe qui, et que parfois la sagesse nous conduira à préserver certains domaines de nos vies du regard de l’autre. Il sera néanmoins essentiel de marcher dans la lumière et dans la vulnérabilité avec nos fils et nos filles spirituels. Un père qui reste sur son piédestal ne pourra pas investir dans la vie de ses enfants de la même manière que celui qui se laisse connaître par eux. Il y a là une clé pour la transmission, c’est un principe de confiance mutuelle et un modèle d’humilité. C’est une véritable force que de se laisser connaître dans nos faiblesses également. C’est une garantie pour nos enfants que notre modèle n’est pas surfait mais qu’il est atteignable et donc sécurisant. C’est également une preuve d’amitié et de collaboration vraie qui tisse entre nous des cordages d’amour et de confiance mutuelle, véritables remparts dans l’épreuve et dans l’adversité.

 

Etre pour eux un bon modèle d'autorité

En vivant ce type de paternité dans la liberté et l’amour, avec le respect et l’honneur dus l’un à l’autre et non pas à sens unique, nous modèlerons dans nos enfants spirituels une juste compréhension de l’autorité selon Dieu. Celui qui est sur le trône est un Père d’amour et lorsqu’il reprend légitimement ses enfants, il le fait dans le cadre sécurisant de son tendre amour pour eux. De même, notre autorité devra s’exercer dans ce cadre fait d’affection et de fermeté. La discipline nécessaire à l’éducation et à la formation de nos fils et de nos filles sera pleinement acceptée par eux dans le cadre de cette relation d’amitié sécurisante que nous entretiendrons avec eux. Il y a une grande différence entre l’autorité paternaliste qui corrige et étouffe et l’autorité paternelle qui éduque et libère. Le paternalisme infantilise, il contrôle et garde pour soi, la paternité libère, elle rend autonome et envoie.

 

Les libérer dans leur appel

Jésus avant la croix savait que le Père avait remis toutes choses entre ses mains… (Jean 13:3). Le Père avait une telle confiance en lui qu’il lui avait tout délégué. Après lui avoir montrer tout ce qu’il faisait durant sa formation comme preuve de son amour (Jn 5:20), il lui donne enfin sa mission particulière qui est la plus grande des missions jamais confiée à un homme : il doit sauver le monde. C’est leur relation d’amour qui a permis à Jésus d’aller jusqu’au bout, il avait pleinement confiance en son Père et savait que cette confiance était réciproque. Jésus allait accomplir l’œuvre parfaite de la croix et le Père allait en retour le ressusciter d’entre les morts pour l’élever dans la gloire. Leur amour et leur confiance mutuels étaient le sceau de leur réussite. Ainsi, nos fils et nos filles doivent savoir que nous leur faisons confiance, qu’ils ont le droit à l’erreur et que malgré cela nous croyons en eux et en leur appel. Ils doivent avoir l’assurance que si nous les libérons dans leur destinée, nous les accompagnerons sans les contrôler ni les abandonner. Il doivent savoir que notre réussite dépend de la leur et réciproquement. Ils doivent savoir que nous sommes pour eux des pères-amis, entièrement engagés à leur côté et que nous les aimerons toujours et de manière inconditionnelle.

 

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3 réflexions sur “Père et Fils”

  1. Un message d’autant plus fort lorsqu’on sait que son auteur cherche à le vivre pleinement dans sa vie et son ministère. Merci Nicolas

  2. Esther Bourn

    Un excellent article !
    “Le paternalisme infantilise, il contrôle et garde pour soi, la paternité libère, elle rend autonome et envoie.”
    Amen !

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